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Célérité et saturation judiciaire : un été législatif déceptif

Le 22 août 2023
Célérité et saturation judiciaire : un été législatif déceptif

Les juridictions françaises souffrent depuis plusieurs années d’une saturation importante.

Le décret paru le 29 juillet 2023 (n°2023-686), créant la césure, nous fait craindre un nouvel allongement des jugements.

En matière de dommage corporel, chaque étape allant de la phase amiable à la liquidation des préjudices de la victime est longue et peut parfois être prolongée (convocation à expertise, récusation d’expert, prorogation d’ordonnance de consignation…etc). Les délais de jugement souvent excessifs ajoutent un poids aux procédures en cours, qui pèse principalement sur les victimes.

Bien qu’aucune « solution-miracle » ne soit trouvée à ce jour, il existe pourtant des moyens alternatifs pour faire avancer votre dossier en cours en vue d’obtenir une indemnisation.

 

1.     La notion de célérité de la justice expliquée par le Cabinet de Maître BOSSELER 

 

Aux termes de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

 

De toute évidence, le droit d’être jugé dans un délai raisonnable ne peut être strictement enfermé dans un délai fixe.

 

Toutefois, la méconnaissance de ce droit peut conduire la France à être condamnée en raison de la durée excessive des délais de procédure.

 

Le 8 février 2018, la Cour Européenne des Droits de l’Homme condamnait la France pour violation de l’article 6§1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme dans le cadre d’une instruction de plus de sept ans (CEDH 8 févr. 2018, Goetschy c. France, req. n° 63323/12).

 

Plus récemment, elle était à nouveau condamnée par la même Cour dans le cadre d’une procédure juridictionnelle d’une durée de près de dix-huit années (CEDH, 12 mai 2022, Req. 43078/15, Tabouret c/ France).

 

 

2.     Le défaut de célérité subi par les victimes d’un dommage corporel au cabinet de Me Elodie BOSSELER

 

Avant la saisine du juge dans le cadre d’une affaire de dommage corporel, plusieurs étapes préalables sont nécessaires.

 

Parmi ces étapes, il convient de trouver un médecin-conseil spécialisé dans le domaine concerné. Ce dernier est fortement recommandé voire indispensable dans la plupart des dossiers de dommage corporel/responsabilité médicale, puisqu’un appui médical est essentiel afin d’identifier si des fautes ont été commises par les praticiens et d’identifier les préjudices. Un rapport de consultation du médecin-conseil pourra être établi et servira de pièce maîtresse dans le cadre d’une demande d’expertise et de provision en phase amiable et/ou judiciaire.

 

Lorsqu’une expertise judiciaire est diligentée, il convient également de prendre en compte le temps de convocation par l’expert judiciaire, ce qui prolonge nécessairement les délais d’une procédure. Parfois, ces délais sont encore prolongés en raison des difficultés qu’ont les victimes à honorer les consignations à expertise.

 

Ensuite, une fois le juge saisi d’une demande d’expertise et de provision, l’attente peut être longue.

 

En effet, le délai raisonnable d’attente de certains dossiers en cours de traitement par les juridictions est nettement dépassé. Au tribunal judiciaire de Nanterre, le délai moyen pour obtenir une date d’audience de référé est de quatre mois et d’un mois pour obtenir le délibéré.

 

En matière pénale les délais d’attente sont également longs, considérés comme « interminables » pour les victimes de dommage corporel. Le contentieux des centres dentaires DENTEXIA en est parfaite une illustration.

 

Pour rappel, l’affaire oppose plus de deux milles victimes à plusieurs centres dentaires crées dans le cadre d’une association appelée DENTEXIA et PAGES implantés à Paris, Colombes, Châlons-sur-Saône, Lyon et Vaulx-en-Velin.

 

Ces centres présentaient des tarifs plus attractifs que ceux des professionnels libéraux afin que de nombreux patients puissent bénéficier de soins à des conditions tarifaires avantageuses.

 

Ravis par les bas prix et les promesses de ces centres, de nombreux patients contractaient même un prêt bancaire afin d’honorer leurs devis.

 

L’ultime stratégie de ces centres « low-cost » consistait dans le fait de proposer un paiement intégral des soins avant leur réalisation et bien souvent après avoir extrait plusieurs dents (pourtant parfois saines et conservables).

 

Ils se trouvaient alors contraints de payer l’intégralité des soins comprenant la pose d’implants et de couronnes.

 

Une fois l’intégralité des paiements effectués par les clients de ces Centres, les soins débutaient, parfois en dehors des règles de bonnes pratiques dentaires.

 

La plupart du temps, ces soins débutaient sans jamais aboutir en raison des placements en liquidation judiciaires puis fermeture de certains de ces Centres.

 

Dès lors, de nombreux anciens patients voyaient leurs soins cesser alors même qu’ils en avaient payé l’intégralité.

 

Désormais, de très nombreuses victimes des centres dentaires DENTEXIA n’ont toujours pas réalisé leurs soins de réhabilitation, faute de moyen. Outre leur état de santé psychique désastreux, leur état actuel de santé buccal est très inquiétant, certains se trouvent même édentés ou presque comme en rapporte le Journal Ouest France[1]. 

 

Plus d’un millier de plaintes étaient déposées en dénonçant la stratégie du paiement systématique avant la réalisation des soins.

 

En 2016, une instruction était alors ouverte au Tribunal judiciaire de Paris. L’affaire était relayée par ne nombreux médias.

 

Néanmoins, près de sept ans après son ouverture, l’instruction est toujours en cours.

 

Depuis plusieurs années, de nombreux clients du cabinet souhaitent des réponses quant à l’instance en cours et aux suites procédurales en vue d’obtenir l’indemnisation de leur entier préjudice.

 

À ce jour, concernant l’instruction pénale, il n’y a pas d’autre réponse que l’attente puisque les investigations sont toujours en cours.

 

Malheureusement, l’avocat se trouve fortement altéré par ces problématiques et ne saurait répondre au manque de magistrats, de greffiers mais surtout de moyens accordés à la justice.

 

Courant été 2023, un dossier pourtant clôturé est convoqué pour plaidoirie au printemps 2025 ! Après 3 ans de procédure civile avec échanges de conclusions, le client devra donc attendre 1 an et demi pour que son dossier soit plaidé, certainement environ 2 mois supplémentaires pour en obtenir le délibéré. Après ces presque 5 ans de procédure, l’appel de la décision pourra, en sus, intervenir et prolonger d’autant plus le jugement définitif du dossier.

 

Le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 portant mesure favorisant le règlement amiable des litiges devant le Tribunal Judiciaire, ne laisse pas augurer un raccourcissement des délais.

 

 

3.     Le décret du 29 juillet 2023 : la crainte des délais de jugement allongés

 

Le décret paru le 29 juillet 2023 portant mesure favorisant le règlement amiable des litiges nous laisse craindre un allongement des délais de jugement.

 

Ce décret instaure la césure : les tribunaux jugeront en premier lieu la responsabilité et inviteront les parties à négocier sur l’indemnisation. Ce n’est qu’à défaut d’accord que la procédure pourra être poursuivie.

 

Or, l’expérience des dossiers permet de savoir que plus le dommage est lourd et moins un accord est trouvé avec les assurances concernant les montants d’indemnisation. Durant tout ce temps, la victime continue d’être désargentée et doit continuer de vivre dans l’inconfort du fait de son handicap tout en assumant le coût de la procédure.

 

Ce décret a bien évidemment pour objectif de désengorger les tribunaux, mais ce n’est certainement pas la solution à une justice apaisée. Cette nouveauté s’apparente surtout à un abandon aux mains des assurances…

 

Afin que les montants des indemnisations évoluent pour correspondre à la réalité des besoins des victimes, nous avons besoin du courage des magistrats pour les faire évoluer, magistrats qui sont le gage de l’impartialité.

 

 

4.     Des solutions ?

 

Les solutions actuelles ne sont pas pleinement satisfaisantes puisqu’elles ne permettent pas le jugement définitif plus rapide.

 

Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire que l’état actuel de la justice soit entendu : des jugements beaucoup trop longs, des tribunaux en manque de magistrats, de greffes…

 

Nous appliquons aujourd’hui quelques solutions, qui ont, contrairement à l’effet recherché par les modifications législatives, la conséquence d’engorger de nouveau les tribunaux.

 

En effet, nous sommes contraints de saisir le Juge des Référés de demandes de provisions pour permettre aux victimes de tenir sur la longueur de la procédure au fond. Des jugements plus rapides nous permettraient de nous en faire l’économie.

 

En outre, nous conseillons dorénavant d’assigner l’État pour indemnisation des justiciables qui ont souffert d’une procédure trop longue qui viole le principe de célérité.

 

Notre engagement ne s’essouffle pas, la défense des victimes nous anime.



[1] Source : https://www.ouest-france.fr/faits-divers/escroquerie/cinq-ans-apres-la-liquidation-judiciaire-de-dentexia-le-cauchemar-des-victimes-continue-2c21c48e-a126-11eb-ade0-eabf3fd12f88

 

Maître Élodie BOSSELER

Maître Ivana DJORDJEVIC