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Les Coups de Gueule de Maître Elodie BOSSELER : COVID 19 et Hydroxychloroquine

Le 26 mars 2020
Les Coups de Gueule de Maître Elodie BOSSELER : COVID 19 et Hydroxychloroquine

Encore un nouveau coup de gueule mais, cette fois-ci, il n’est pas dirigé contre le système judiciaire. De ma chambre à coucher où j’ai déménagé tous les éléments utiles de mon cabinet et dans laquelle, qu’on se le dise, c’est « une salle 5 ambiances » (chambre, salle de jeu pour bébé, salle de jeu pour petite fille, cabinet, dressing), je me pose la question de savoir si la peur du COVID 19 atteint les fonctions intellectuelles des gens.

 

C’est un peu dur, me direz-vous ! Mais sincèrement, c’est usant de lire et d’entendre à longueur de journée (car j’éteins tout la nuit) des profanes de la science défendre l’utilisation d’une molécule qui serait magique pour soigner ce fichu virus qui met tout le monde à mal.

 

Je ne suis pas non plus professionnelle de la recherche médicale et je défends donc ne pas savoir. Toutefois, certains éléments m’éclairent pour penser qu’une potion magique qui n’a pas fait ses preuves est peut-être dangereuse à utiliser. Quels sont ces éléments ? Ceux venus du passé. Car, si nous ne pouvons pas anticiper l’avenir, il est plutôt judicieux de tirer des leçons du passé. Je ne vais pas refaire les scandales qui ont alimentés les chaînes d’info durant de nombreux mois mais souvenez-vous un peu du médiator ou du levotyrox.

 

Je suis certaine que l’hydroxychloroquine pourrait également être la base de nombreux contentieux s’il s’avérait qu’elle n’était finalement pas la potion magique pensée par certain, s’il s’avérait que les effets secondaires étaient gravissimes (je pense aux problèmes cardiaques évoqués dans la presse ou à son classement sur la liste des substances vénéneuses). Si ce n’était que ça le problème, le contentieux… à vrai dire ce ne serait pas le pire. Mais non, le vrai risque est celui que les patients peuvent encourir.

 

J’arrive peu à peu au sujet sur lequel je souhaite vous éclairer aujourd’hui, sujet que je maîtrise un peu, beaucoup, plus que celui de la recherche médicale ; l’autorisation de mise sur le marché.

 

1.     Qu’est-ce que l’autorisation de mise sur le marché ?

 

C’est la procédure qui permet qu’un médicament soit vendu, distribué. Mais ça, vous le savez tous.

 

Historiquement, à partir de 1803 on dissocie les corporations d’apothicaire et d’épiciers. On organise un statut général de la Pharmacie en France. Après plusieurs décrets, une évolution croissante sur la définition même du remède ou du médicament, la loi du 11 septembre 1941 permet l’instauration d’un contrôle des médicaments avant leur mise sur le marché. C’est la naissance de l’autorisation pour vendre, autorisation délivrée en fonction de la qualité du produit et de sa valeur thérapeutique.

 

Toutefois, certains scandales de santé publique ont démontré les faiblesses du système législatif en place.

 

On apprend donc bien de son passé…

 

L’affaire la plus connue est celle du STALINON. Bien que l’histoire de notre système actuel soit particulièrement intéressante, je ne vais pas vous reprendre l’intégralité des ordonnances et lois qui nous mènent à aujourd’hui. Il est un dénominateur commun à toutes les modifications législatives : les scandales sanitaires (STALINON, THALIDOMIDE, MEDIATOR) et ça c’est actuel !!

 

De nombreux textes européens ont permis de légiférer sur la question et ont organisé notre système actuel.

 

L’autorisation de mise sur le marché permet de vérifier :

 

-       La qualité du produit

-       Le rapport bénéfices/risques : d’où les essais utiles !!

 

Dans le contexte actuel, c’est surtout le deuxième point qui nous intéresse. Des études précliniques sont nécessaires, des essais sur les animaux dits non cliniques également. La procédure est longue car elle nécessite un travail de démonstration de la recherche et des résultats obtenus.

 

Lorsque l’Autorisation est délivrée (soit par l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé soit par la commission européenne), elle l’est pour une ou des pathologies déterminées. C’est le point central du débat.

 

L’Hydroxychloroquine existe déjà sur le marché mais son autorisation de mise sur le marché ne couvre pas le COVID 19.

 

Il existe des procédures abrégées pour des autorisations de mise sur le marché d’associations nouvelles de substances actives connues. Ce serait peut-être la voie possible pour l’Hydroxychloroquine associée à l’azithromicine.

 

Mais ce qui finalement intéressera le plus grand nombre est surement la possibilité de déroger à l’autorisation de mise sur le marché, dérogation prévue dans l’intérêt de la sécurité publique ou de la défense nationale (article L3131-1 du code de la santé publique).

 

2.     La dérogation dans l’intérêt de la sécurité publique ou de la défense nationale

 

La dérogation relative à l’AMM a été utilisée pour le virus EBOLA.

 

Les derniers arrêtés qui ont permis l’autorisation de l’utilisation de substances hors AMM sont même très récents : 2 août 2019, dans le cadre du virus EBOLA.

 

L’article L3131-1 du Code de la Santé publique a d’ailleurs fait l’objet d’une dernière modification législative le 23 mars 2020, il y a 3 jours.

 

Il dispose en son alinéa 1 que : « En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population. Le ministre peut également prendre de telles mesures après la fin de l'état d'urgence sanitaire prévu au chapitre Ier bis du présent titre, afin d'assurer la disparition durable de la situation de crise sanitaire. »

 

Le ministre de la santé peut donc décider que l’on utilise l’Hydroxychloroquine dans le cadre du COVID 19.

Un décret a été publié pour ce faire le jour même de la rédaction de mon Coup de Gueule (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041755775&categorieLien=id).

 

Est-ce raisonnable ? La peur doit-elle nous mener à la hâte, à la prise de risque non mesuré ?

 

A quoi sert l’autorisation de mise sur le marché d’après vous ?

 

 

3.     A quoi sert l’autorisation de mise sur le marché ? faut-il raison garder ?

 

Tout le monde est capable de comprendre que l’autorisation de mise sur le marché sert à protéger de l’administration de médicaments qui seraient dangereux pour le patient.

 

Il ne faut pas céder aux théories du complot qui voudraient créer le doute et faire croire que ces procédures n’ont pas de véritable utilité si ce n’est profiter à un gouvernant, à des politiques, à quelqu’un, à un être non identifié appelé parfois l’Etat…

 

La règlementation en matière de droit du médicament permet chaque jour à des patients malades de guérir ! Notre contexte actuel ne doit pas le faire omettre.

 

Sans une telle règlementation, aucune confiance ne pourrait être accordée dans les médicaments et ce serait signer le retour à un monde sans respect des sachants et des données acquises de la science.

 

Attention donc à ne pas « croire » en matière de science. En effet, ce n’est ici pas une question de foi mais de raison, de démonstration, de sécurité.

 

Étant donné que de nombreuses personnes atteintes du COVID 19 en guérissent sans traitement, il me semble dangereux de tenter sur tous les patients identifiés positifs l’administration d’une substance qui pourrait leur faire courir un risque non évalué. L’utilisation du produit même pour les patients qui sont dans un état grave m’apparaît difficile. Il est, en effet, possible que le produit aggrave l’état du malade. Mais le risque contentieux est plutôt écarté dans le cadre d’une perte de chance de survie réduite à peau de chagrin.

 

En vérité, le problème est que l’on ne sait pas !!  Quand on ne sait pas, soyons raisonnés, admettons ne pas savoir et cherchons… L’humilité pourra sauver des gens. Je ne crois pas en l’héroïsme en matière de science.

 

La seule certitude que l’on a aujourd’hui est que le confinement permet d’éviter la propagation du virus. Sans contact, pas de transmission, diminution de la propagation et extinction, c’est assez logique !

 

Vous voulez être un héros et combattre ce virus… restez chez vous.