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Les Coups de Gueule de Maître Elodie BOSSELER : à quand une considération véritable des victimes ?

Le 19 février 2020
Les Coups de Gueule de Maître Elodie BOSSELER : à quand une considération véritable des victimes ?
Maître Elodie BOSSELER, avocate de victimes, vous fait part de ses coups de gueule au gré de la gestion des dossiers et des réalités qui doivent changer. Bonne lecture, et continuons à nous battre.

J’ose espérer que ce premier numéro sera l’unique, sans que je n’y croie véritablement.

 Pourquoi en tant qu’avocat de victimes, je ressens le besoin d’écrire un coup de gueule et de le publier sur internet ?

 Parce que la considération des victimes, dans le cadre de mon exercice, m’apparaît bien loin de la bienveillance dont elles devraient bénéficier. Parce que le combat de la victime est un combat qui s’apparente à celui d’un guerrier affaibli, meurtri et déjà à terre.

Mon rôle est de les aider, de tenter de les relever, de faire en sorte qu’elles restent debout. Ce n’est malheureusement pas aisé tant les obstacles sont nombreux.

Si j’écris aujourd’hui cet article c’est que les mauvaises nouvelles pour certains de mes clients surviennent durant notre combat. Un article précédent soulevait les obstacles à franchir en tant que victime. Ces épreuves sont parfois tellement difficiles qu’il faut trouver la foi de continuer à se battre.

 Bien évidemment, le cœur du problème aujourd’hui c’est l’argent, nerf de la guerre, indispensable pour démontrer son préjudice et de l’argent les victimes en manquent souvent…

 

1.     Les fonds nécessaires à la démonstration de sa qualité de victime

Lorsque la victime veut être épaulée et voir son dossier correctement géré, il est déjà nécessaire qu’elle puisse avancer des fonds pour son avocat. Oui, l’avocat n’est pas un nanti, n’est pas rentier et travaille pour vivre, pour payer ses charges, pour continuer à aider ses clients.

Malheureusement, il est fréquent que les honoraires ne soient pas payés ou très tardivement, imposant à l’avocat d’avoir une trésorerie qui s’étiole.

Ensuite, il faut pouvoir assurer le paiement d’un médecin conseil qui pourra établir les fautes commises et défendre médicalement la victime lorsque les opérations d’expertise débuteront, si elles débutent.

Pourquoi parler au conditionnel ? Parce que pour obtenir cette mesure d’expertise judiciaire, il faut pouvoir payer les frais d’huissier, les frais de justice qui comprennent la consignation de l’expert. Plus la victime subit un préjudice lourd, plus le dossier est complexe et plus les consignations d’expert sont importantes… un cercle vicieux qui empêche certaines victimes de voir un jour leur préjudice indemnisé.

Vous pourrez me dire que nous pouvons solliciter que la consignation soit mise à la charge des médecins que nous poursuivons. Non, pas au début du dossier, c’est une évidence puisqu’aucun expert judiciaire ne se sera prononcé sur une faute, les tribunaux ne prennent pas ce risque. Toute la jurisprudence abonde dans ce sens.

Dans la continuité du dossier… rarement car si les parties adverses s’y opposent, le juge chargé du contrôle, qui connaît que très peu le dossier, ne prendra pas souvent ce risque non plus.

Je suis scandalisée par ces vérités.

Pourtant à ce stade du dossier, lorsque nous demandons que les médecins versent directement la consignation, un pré-rapport d’expertise a été déposé. Il établit les fautes commises. Peut-être par manque de temps, peut-être par manque de quelque chose que je ne peux pas identifier, le magistrat qui doit statuer prend rarement conscience de l’ampleur de cette demande et sa décision est sans appel… consignation nouvelle à verser par la victime malgré le pré-rapport d’expertise.

Un nouveau coup de massue sur la victime qui doit tout faire pour réunir les fonds.

Pire encore, même lorsqu’un rapport définitif a été rendu, les actions en référé provision n’aboutissent pas forcément. Or, les fautes ont été établies définitivement et une action au fond est impossible sans consolidation !!  Cette situation ne nous est arrivée qu’une fois… nous obligeant à user de la voie de l’appel. Suite au prochain numéro, la procédure d’appel n’est pas achevée. Quoiqu’il en soit, de nouveaux frais pour cette procédure…

Alors oui, il existe l’aide juridictionnelle… j’invite les lecteurs à se renseigner, d’une part, sur les plafonds qui permettent son octroi. En effet, ils sont tellement faibles que de nombreuses victimes ne peuvent pas y prétendre. Or, une personne qui perçoit un revenu d’environ 1.500 euros n’a pas les moyens financiers de payer ses charges pour vivre (survivre) et tous les frais de la procédure. J’invite, d’autre part, les lecteurs à se renseigner sur ce que perçoit l’avocat à l’aide juridictionnelle… c’est ridicule et affligeant, ça ne couvre même pas les charges de fonctionnement sur un dossier.

Malheureusement, les problèmes financiers nés de la procédure ne sont pas les seuls.

2.     Les fonds nécessaires à sa survie

Une victime est une personne qui, comme tout à chacun, a besoin d’argent pour se nourrir, se loger… vivre, survivre.

Pourquoi survivre ? Parce de nombreuses victimes ne peuvent plus travailler, certaines n’ont jamais pu travailler car elles subissent leur préjudice trop jeune pour parvenir à entrer dans le milieu du travail et leur démarrage de vie professionnelle, de vie de famille est retardé, voir anéanti.

La réalité est donc très triste puisque ces victimes ne parviennent pas à payer un loyer, à payer leur électricité et les charges courantes. Elles subissent donc un autre préjudice très lourd à porter, celui de devoir se battre pour passer chaque jour dans des conditions à peu près acceptables.

Vous comprendrez que mon rôle est donc compliqué. Je dois réussir à être une lumière vers l’avenir pour ces clients victimes… Je ne suis pas surhumaine mais j’essaie.

La finalité est heureusement le plus souvent salvatrice puisqu’après des années de combat, une indemnisation est versée.

Le montant de l’indemnisation fera certainement l’objet d’un coup de gueule n°2. J’espérais, en début de rédaction de cet article, n’en écrire qu’un et m’aperçois rapidement que ce ne sera pas le cas.

 

Pour faire bouger les choses, parlons-en et continuons à nous battre. Je ne lâcherai rien.

 

J’aime mon métier, j’aime les gens que je défends.

 

Maître Elodie BOSSELER